22 déc. :
Dialogues des Carmélites au TCE |
De magnifiques tableaux liturgiques
Francis Poulenc (1899-1963)
Dialogues des Carmélites
Patricia Petibon (Blanche de La Force)
Sophie Koch (Mère Marie de l’Incarnation)
VĂ©ronique Gens (Madame Lidoine)
Sandrine Piau (SĹ“ur Constance de Saint-Denis)
Rosalind Plowright (Madame de Croissy)
Topi Lehtipuu (Le Chevalier de La Force)
Philippe Rouillon (le Marquis de La Force)
François Piolino (L’Aumônier du Carmel)
Annie Vavrille (Mère Jeanne de l’Enfant Jésus)
Sophie Pondjiclis (SĹ“ur Mathilde)
Chœur du Théâtre des Champs-Élysées
Philharmonia Orchestra
direction : Jérémie Rhorer
mise en scène : Olivier Py
scénographie : Pierre-André Weitz
Ă©clairages : Bertrand Killy
préparation des chœurs : Alexandre Piquion
captation : François-René Martin
Enregistrement : TCE, Paris, 21 décembre 2013
1 Blu-ray Disc (ou 2 DVD) Erato 0825646219537
Sensation de la programmation lyrique 2013-2014 du Théâtre des Champs-Élysées, les Dialogues des Carmélites selon Olivier Py sortent enfin sur support DVD et Blu-ray chez Erato. Et à l’issue du visionnage, on reste écartelé entre la satisfaction de voir un spectacle aussi essentiel enfin rendu accessible au plus grand nombre, et le regret de certains choix esthétiques ne rendant pas entièrement justice au formidable travail du metteur en scène.
La captation de François-René Martin choisit de noircir les teintes déjà sombres du spectacle, du coup granuleux même en Blu-ray, dans une pénombre étouffante renforcée par le léger flou nimbant les chandeliers et autres sources lumineuses. Surtout, par son abus du gros plan, elle cherche à rendre justice à l’excellente direction d’acteurs (la scène du Parloir, déchirante) mais estompe une partie de la magie visuelle d’un spectacle qui doit tant à l’impact de la scénographie de Pierre-André Weitz.
Déjà impressionnante pour qui la découvre à la vidéo, la scène de la mort de la Prieure, emprisonnée dans un lit accroché au mur de fond scène, avait en direct un impact ô combien plus terrassant. On peut se demander d’autre part s’il était vraiment utile de filmer d’aussi près certains visages, dont celui de Sandrine Piau, pourtant très investie, mais qui n’a plus tout à fait l’âge du rôle et grimace beaucoup lorsqu’elle chante, ou encore d’enfoncer le clou de la référence à la Création d’Adam dans le frôlement de mains en hyper gros plan entre Blanche et Madame de Croissy.
Enfin, pour nous qui avions vu la première du spectacle, où une Anne-Catherine Gillet dans sa plus pure lumière avait remplacé dans l’urgence Sandrine Piau souffrante, le retour de la titulaire du rôle de Constance n’est pas un gain évident au strict niveau musical, la soprano convalescente nimbée d’un angélisme terni délivrant une diction pas toujours limpide.
Ce qui nous mène à un point fondamental des Carmélites, dont le titre insiste assez sur la notion de « dialogues », à savoir la diction française et l’évidence de la déclamation, à notre sens insuffisantes ici pour se passer des sous-titres tout du long. Hormis chez Patricia Petibon et Véronique Gens, constamment intelligibles et les plus touchantes du plateau, la première par cette présence hallucinée, ces moments au bord du gouffre qui crèvent l’âme, la seconde par une fragilité lumineuse et une douceur du débit très naturelles.
La Mère Marie raide comme il faut de Sophie Koch, bien française malgré la consonance de son nom, voit la captation souligner les défauts d’une déclamation de plus en plus hachée, consonnes germaniques (Che fé fous donner une adresse…) et aigus verticaux à voyelle indistincte. Heureusement, le personnage, dont la cuirasse se fend à plusieurs reprises, est d’une totale crédibilité psychologique.
Quant à Rosalind Plowright, elle est incontestablement une paille, voire une poutre dans la distribution, Première Prieure pas forcément incompréhensible mais affublée d’un accent pas loin du ridicule, et d’une conception du personnage totalement hors-sujet, hirsute comme il n’est pas permis, aux couinements de Sorcière de Hänsel et Gretel.
Timbre joli mais inégal d’émission, le Chevalier de Topi Lehtipuu laisse lui aussi passer nombre d’approximations, à l’inverse du Marquis de Philippe Rouillon, modèle de francité auquel le dispute l’Aumônier idéal de François Piolino, diction miraculeuse et bouleversante simplicité du débit qui devraient être la règle et non l’exception dans un ouvrage aussi attaché à la notion de conversation.
Malgré ces limites purement musicales, chacun est terriblement investi dans la mise en scène, et l’ensemble du spectacle captive, grâce notamment à la lecture orchestrale de Jérémie Rhorer, noire, dramatique, silences très travaillés, contrastes brutaux entre atmosphères impalpables et éclats de cuivres et timbales prenant à la gorge, à la tête d’un Philharmonia Orchestra sombre de couleur et précis de textures – des violoncelles qui font merveille. Une prestation de fosse plus prégnante encore qu’en salle, ce qui n’est pas peu dire.
Au final, même si les grandes heures du chant français semblent bien loin, il faut vraiment connaître ces Dialogues des Carmélites comptant parmi les réussites majeures du très catholique Olivier Py.
| |
|