23 déc. :
Menahem Pressler Ă la salle Pleyel |
La sérénité quintessenciée
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano n° 23 en la majeur K. 488
Concerto pour piano n° 27 en sib majeur K. 595
Rondo pour piano en la mineur K. 511
Claude Debussy (1862-1918)
Clair de Lune
Menahem Pressler, piano
Orchestre de Paris
direction : Paavo Järvi
captation : SĂ©bastien Glas & Corentin Leconte
Enregistrements : Salle Pleyel, Paris, octobre 2012- janvier 2014
1 Blu-ray Disc (ou DVD) Euro Arts 2059884
En octobre 2012 et janvier 2014, l’Orchestre de Paris rendait hommage au pianiste Menahem Pressler, ancien pilier du Beaux Arts Trio reconverti au pianisme solitaire dans une seconde carrière à laquelle il se consacre encore à passé quatre-vingt-dix ans. Sommet de la programmation de l’orchestre les deux saisons dernières, son apparition pour deux concertos de Mozart a par bonheur été filmée, et sort aujourd’hui chez EuroArts.
Ou l’occasion de retrouver un Mozart d’une sérénité absolue, comme libéré des contingences et tensions terriennes, chantant sa grâce en toute douceur, avec un toucher miraculeux de tendresse et des phrasés bichonnés. Aux petits soins, l’Orchestre de Paris et Paavo Järvi lui concoctent un écrin idéal pour répondre à cette exécution bouleversante de simplicité.
On a rarement entendu un mouvement lent du Concerto en la majeur d’une mélancolie aussi pudique, rubato minimal mais bien réel, art d’effleurer la touche le cœur lourd, magnifique cantabile et timbres instrumentaux raffinés à l’extrême. Un moment en apesanteur, grave et serein à la fois, d’un lyrisme douloureux unique.
Le pianiste allemand, qui joue avec la partition et des doigts galopant moins vite qu’autrefois, fait chanter le clavier en prenant son temps, mais sans jamais plomber le langage mozartien – un Finale du La majeur en tendre confession. Même impression dans l’ultime concerto, de la plus pure poésie sereine et gorgé de tendresse.
Dans le balancement ternaire du Finale, d’une incroyable légèreté, l’orchestre reprend ses délicates inégalisations, d’une musicalité fine qui fait merveille. Un dialogue piano-orchestre à caresses plutôt qu’à armes égales, très à l’écoute, privilège des plus grands.
Un Rondo en la mineur hypnotique et un Clair de lune de Debussy murmuré, aux frontières du silence, tous deux donnés en bis, complètent ce portrait radieux d’un artiste touché par la grâce, qui a l’intelligence de ne continuer à se produire que dans ce répertoire essentiel et peu ardu techniquement, une manière clairvoyante de préparer une postérité qui retiendra une réelle sagesse.
Touchant de bonheur de vivre, le pianiste confie à Paavo Järvi dans une interview de treize minutes (en anglais sans sous-titres) sa conception des deux concertos mozartiens, revenant sur le passé pour mieux affronter l’avenir, avec une humilité et une absence totale d’aigreur rares à cet âge. Et de rire lorsque le chef d’orchestre lui dit attendre impatiemment de fêter son centième anniversaire. Un DVD miraculeux, par un humble serviteur de la musique à son sommet d’inspiration.
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