1er déc. :
Così fan tutte à Salzbourg |
Mozart dans son jardin
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Così fan tutte
Malin Hartelius (Fiordiligi)
Marie-Claude Chappuis (Dorabella)
Martin Mitterrutzner (Ferrando)
Luca Pisaroni (Giuglielmo)
Martina Janková (Despina)
Gerald Finley (Don Alfonso)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Christoph Eschenbach
mise en scène : Sven-Eric Bechtolf
décors : Rolf Glittenberg
costumes : Marianne Glittenberg
Ă©clairages : JĂĽrgen Hoffmann
captation : Tiziano Mancini
Enregistrement : Haus für Mozart, Salzbourg, août 2013
1 Blu-ray Disc (ou DVD) EuroArts Unitel Classica 2072744
Après la demeure bergmanienne des Noces, la sombre forêt de Don Giovanni et l’appartement design de Così dans la passionnante trilogie Da Ponte de Claus Guth à Salzbourg, il nous a fallu quelques instants pour ne pas nous croire replongés vingt-cinq ans en arrière devant le jardin d’intérieur, façon serre végétale, sur lequel s’ouvre le rideau du nouveau Così en costumes historiques du festival, confié à Sven-Eric Bechtolf, partenaire de longue date d’Alexander Pereira, notamment à Zurich, déjà pour une trilogie Da Ponte.
C’est que Salzbourg, comme la majorité des institutions lyriques de l’ère germanophone, avait fini par nous faire oublier que l’on peut très bien insuffler de la vie théâtrale à une mise en scène traditionnelle pourvu qu’on sache diriger les acteurs et ne pas laisser en friche la dramaturgie si vivante de Mozart.
Passé donc l’effet de surprise, on serait bien en peine d’émettre des réserves face à ce spectacle d’une lisibilité parfaite ne donnant à aucun moment l’impression d’un art poussiéreux ou démodé. La serre de Bechtolf servira de terrain d’expérimentation à un Don Alfonso herboriste qui y prélèvera de quoi concocter ses élixirs, et le paiera cher quand, au dénouement, il s’empoisonnera par erreur avec sa propre mixture.
L’acte II, aux teintes bleutées nocturnes, se déroule d’ailleurs de l’autre côté du jardin, à l’intérieur d’une rotonde propice aux jeux sentimentaux dangereux, où très vite, c’est Guglielmo qui vivra le plus mal de voir sa promise dans les bras d’un autre. Une pléthore de détails savoureux viennent pimenter l’action, comme cette Dorabella passant la fin de l’opéra à s’évanouir à tour de bras, reprenant cette manie à Fiordiligi, beaucoup plus longue à se laisser convaincre par son Albanais mais probablement définitivement amoureuse de Ferrando in fine.
La surprise de taille de ce Blu-ray reste pour nous la présence que les micros donnent à la direction de Christoph Eschenbach, molle et étriquée, souvent trop épaisse en direct, trouvant ici par on ne sait quel miracle l’énergie vitale qui lui faisait défaut en salle. Si son geste se laisse souvent oublier, laissant chanter les divins Wiener dans leur arbre généalogique, et s’il confère aux passages rapides une réelle tension, le demi-caractère le surprend parfois en sinistre état – l’accompagnement du premier air de Despina, littéralement ahané.
Quant à la distribution, sans le prestige typique du Salzbourg des grandes années, elle est tout à fait cohérente et soudée. Toujours aussi bon comédien, le Guglielmo de Luca Pisaroni a tout pour lui : faconde innée, italien de rêve, présence vocale taillée à merveille pour Mozart, face au Ferrando sexy de Martin Mitterrutzner, beaucoup plus convaincant dans la pleine voix que dans une mezza voce assez quelconque.
Les sorelle se partagent entre l’ardeur de la Dorabella parfois poussée et droite d’une Marie-Claude Chappuis pleine de ressources expressives, et le chant extrêmement raffiné de la Fiordiligi de Malin Hartelius, musique faite femme, dans ce rôle d’amoureuse digne troublée bien plus qu’il n’y paraît, émission soignée, vibrato fiévreux plein de vie théâtrale.
Même succès chez les intrigants, entre le Don Alfonso philosophe, superbement chantant et aristo jusqu’au bout de la perruque de Gerald Finley et la Despina fine mouche, aux teintes diaprées, au médium délicieusement coloré et à l’aigu mutin d’une Martina Janková qui a fini par troquer son petit grelot si typique contre un vibrato plus standard. Un très bon Così traditionnel au final, avec partition intégralissime.
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