2 déc. :
Don Giovanni Ă Salzbourg |
The Grand Salzburg Hotel
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Don Giovanni
Ildebrando D’Arcangelo (Don Giovanni)
Tomasz Konieczny (Il Commendatore)
Lenneke Ruiten (Donna Anna)
Andrew Staples (Don Ottavio)
Anett Fritsch (Donna Elvira)
Luca Pisaroni (Leporello)
Valentina Nafornita (Zerlina)
Alessio Arduini (Masetto)
Philharmonia Chor Wien
Wiener Philharmoniker
direction : Christoph Eschenbach
mise en scène : Sven-Eric Bechtolf
décors : Rolf Glittenberg
costumes : Marianne Glittenberg
Ă©clairages : Friedrich Rom
préparation des chœurs : Walter Zeh
captation : Andreas Morell
Enregistrement : Haus für Mozart, Salzbourg, août 2014
1 Blu-ray Disc (ou DVD) EuroArts Unitel Classica 2072734
Salzbourg toujours, et Don Giovanni, deuxième volet de la trilogie Da Ponte de Sven-Eric Bechtolf, remake amélioré du spectacle de Zurich publié en DVD par EMI en 2007. Après le classicisme absolu de Così, une mise en scène plus moderne, quoique parfaitement respectueuse des rouages de l’intrigue, délaissant toute forme de Regietheater au profit de solutions dramatiques éprouvées, sans pourtant trancher à aucun moment entre les différentes veines de l’ouvrage.
L’intrigue se déroule dans le hall d’un grand hôtel, où semblent régner l’ordre et la morale sous la férule d’un Commandeur tout puissant. À peine Don Giovanni et Leporello viennent-ils y poser leurs valises, que l’étiquette vole en éclats, le diable en personne se dressant derrière le bar.
Une Donna Elvira très jeune, tout juste abandonnée, encore en robe de mariée et follement éperdue, semble y mettre en garde la femme de chambre Zerline avant tout par jalousie. Cette dernière, diablement sexy, est aussi désirable qu’un Masetto garçon de bar de prime jeunesse, tous deux finissant en tenues légères après un Vedrai carino plein d’érotisme, pendants d’une Donna Anna inconsolable, inhibée, portant involontairement le coup fatal à son père et chantant son premier air à califourchon sur son officier de fiancé.
Les forces infernales, le surnaturel ne sont pas esquivés, le diable servant les cocktails pendant le trio des masques, démultiplié ensuite pour emporter le grand seigneur méchant homme de l’autre côté de la mort, la dramaturgie jouant ici du principe cyclique, le rideau se refermant sur l’image initiale du spectacle, chacun revenu à sa place de départ, avant l’ultime course du séducteur revenu des Enfers pour une soubrette qu’il avait remarquée dès son arrivée à l’hôtel.
Rien de révolutionnaire donc, mais une forme d’accomplissement sans arrogance ni mépris pour le spectateur, et au final un Don Giovanni qui pourra plaire autant aux novices qu’aux connaisseurs. L’autre point fort de la production est un plateau parfaitement homogène, bien entendu sans l’aura faramineuse du Salzbourg d’autrefois, mais avec une indéniable cohérence globale.
Hormis le Don Ottavio nasillard d’Andrew Staples et le Commandeur débraillé de Thomas Konieczny, la distribution ne connaît aucune faiblesse, notamment chez les dames. L’Elvira ardente, frémissante, bonne vocalisatrice et vibrato tout amour d’Anett Fritsch joue à niveau égal avec la figure tragique saisissante de Lenneke Ruiten, Donna Anna magnifiquement en voix, aigus plein de détresse, troisième registre brillant, stature seria impériale. Valentina Nafornita, à peine moins somptueuse de matériau, est ramenée au juste rang social de Zerline, avec un abattage et une émission acidulée qui font merveille.
Côté clés de fa, Luca Pisaroni domine d’une coudée son maître, Leporello drôle et émouvant, parfaitement émis, modèle de basse italienne authentique, plus grand de taille et presque plus noble que son Padrone, le Don Giovanni charbonneux et très sombre, à la Siepi, d’Ildebrando D’Arcangelo, d’une puissante parfaite pour la scène finale mais sans véritable demi-teinte (la sérénade), trop engagé dans une lutte à mort avec une libido dévastatrice. Mention particulière enfin pour le Masetto d’Alessio Arduini, en voix superbe, fine et mordante à la fois, d’une irrésistible italianità .
N’était un geste donnant l’impression de subir l’orchestre et entraînant tout le plateau à chanter toujours à peine derrière, la direction old school de Christoph Eschenbach, d’une ampleur devenue rare dans Mozart, dispense au moins des tempi rapides lorsque la partition le demande – mais souvent aussi un volume excessif. Pour le reste, il laisse briller les Wiener en traînant dans les passages au tempo médian (l’entrée d’Ottavio et Anna dans le Sextuor du début du II) à défaut d’engluer les plages les plus suspendues.
ServusTV, coproducteur de la captation, propose en bonus de vivre le spectacle depuis les coulisses (surtitrage en anglais seulement), avec réactions à chaud des chanteurs, témoignages sur le vif des acteurs de la ruche qu’est une maison d’opéra pendant une représentation (costumière, régisseuse, figurants…), soit en intégralité, soit dans une vignette en bas de l’écran pendant le déroulé du film principal. On s’étonnera juste d’y voir le metteur en scène, qui joue le rôle du diable lui-même, exploser soudain, à la faveur de saluts très applaudis, contre la presse « d’un monde de fous » qui aurait démoli son spectacle !
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