5 déc. :
Andris Nelsons Ă Lucerne |
Vers de nouveaux rivages
Johannes Brahms (1833-1897)
Sérénade n° 2 en la majeur op. 16
Rhapsodie pour alto et chœur d’hommes op. 53
Sara Mingardo, alto
Chœur de la Radio bavaroise
préparation : Gerald Haüssler
Symphonie n° 2 en ré majeur op. 73
Lucerne Festival Orchestra
direction : Andris Nelsons
captation : Michael Beyer
Enregistrement : KKL, Lucerne, 15-16 août 2014
1 Blu-ray (ou DVD) Accentus Music ACC 20325
Une ère nouvelle. C’est ainsi que pourrait être intitulé cette captation du premier véritable concert d’Andris Nelsons à la tête du Lucerne Festival Orchestra suite à la disparition de Claudio Abbado le 20 janvier 2014, et au concert hommage dirigé par le chef letton en avril de la même année.
En attendant que soit nommé le successeur d’Abbado à la tête de l’orchestre, dont la survie même n’était pas forcément une évidence, Nelsons a fait tout naturellement office de directeur musical par intérim, et s’il avait eu la finesse de ne pas se démarquer trop ouvertement de son prédécesseur quelques mois plus tôt, il affirme dans ce concert d’ouverture de Lucerne 2014 toute sa singularité et un véritable changement de cap.
Le programme, prévu de longue date, était typique du maestro italien, mais l’interprétation de ces trois partitions brahmsiennes appartient sans ambiguïté à un univers fort différent. En mise en bouche, la Sérénade n° 2, œuvre de jeunesse sans nuage, qui prend des accents crépusculaires, avec des tempi très étirés, presque étales, dans l’Allegro moderato initial et l’Adagio non troppo.
Le climat n’a plus rien non plus d’une bluette, contemplatif, débusquant du malaise à la moindre occasion, notamment dans le mouvement lent, étrangement inquiet, de même que le fondu des lignes tendrait vers un ouvrage de la maturité, le Scherzo et le Rondo-Finale, trapus, assis, niant toute innocence.
Une approche désabusée qui colle plus naturellement aux interrogations de la Rhapsodie pour alto et chœur d’hommes où se distingue, plus que des voix masculines de la Radio bavaroise de très belle qualité, l’alto charnue, de grande classe, de Sara Mingardo, dont la tenue de souffle et le prophétisme évoquent l’univers supraterrestre de l’Erda wagnérienne.
Comme pour enfoncer le clou, Nelsons défend enfin une Deuxième Symphonie large, lente, d’un sfumato des attaques, d’un legato des cordes impressionants. Osant suspensions jusqu’au vertige, climat raréfié dans les transitions, le chef letton obtient ce qu’il veut d’un orchestre donnant son meilleur dans un Adagio crépusculaire, cuivres de bronze et bois indistincts. Seule la partie centrale de l’Allegretto, occasion d’un décrassage du moteur par les violoncelles et contrebasses, contredit un peu une ampleur contaminant jusqu’au Finale, pâte sonore pressée à plein, concluant une approche partiale très assumée.
Une épreuve du feu admirablement réussie par le jeune chef, assumant sa tradition sans chercher en rien à copier son prédécesseur, meilleur service qu’il pouvait rendre à un orchestre ayant besoin de tourner la page plutôt que de singer le passé. Gageons que s’il n’avait affirmé vouloir se concentrer sur Boston et Leipzig, Nelsons se serait vu offrir le poste de directeur musical de la formation suisse qui a échu in fine à Riccardo Chailly.
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