6 déc. :
Les Symphonies de Mozart par Hogwood |
Un Mozart de référence
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
The Symphonies
Academy of Ancient Music
direction : Christopher Hogwood
Enregistrements : Londres, 1978-1985
19 CD l’Oiseau-Lyre 452 496-2
Le 24 septembre 2014 disparaissait à Cambridge, à l’âge de 73 ans, l’un des pionniers du mouvement baroque, le claveciniste, musicologue et chef d’orchestre britannique Christopher Hogwood, fondateur à la fin des années 1960 du Early Music Consort puis en 1973 de l’Academy of Ancient Music avec laquelle il fit sa carrière discographique pour le label l’Oiseau-Lyre.
Un peu plus jeune qu’Harnoncourt et Leonhardt, Hogwood n’a pas été pour autant un moins inlassable garant de l’authenticité, du retour à une pratique historiquement informée, mais dans une veine moins personnelle, plus consensuelle que ses devanciers, comme le sera son compatriote John Eliot Gardiner. Quelques mois après sa mort, sa maison de disques rééditait en coffrets certains des joyaux d’une discographie tout à fait enviable, et notamment son intégrale des symphonies de Mozart.
Un corpus difficile à appréhender au vu des difficultés ne serait-ce qu’à établir le catalogue précis des ouvrages ressortissant au genre symphonie chez l’enfant de Salzbourg, dont la jeunesse correspondait à l’émergence d’un genre qui devait s’affirmer au cours du XIXe siècle. Car outre les partitions perdues ou mal attribuées, entre la trilogie finale de l’été 1788 (Symphonies n° 39, 40 et 41) et les multiples essais de jeunesse à la frontière de l’ouverture, de la sérénade ou du divertimento, la tâche est rude pour le musicologue comme pour l’interprète tenant à embrasser la somme dans son ensemble.
Si Breitkopf a établi à partir de 1799 un catalogue plus ou moins chronologique des symphonies de Mozart, de la n° 1 à la n° 41, en continuant une contestable numérotation de 42 à 55 pour les ouvrages périphériques plus anciens, avec les acquis de la recherche et notamment le concours essentiel du musicologue Neal Zaslaw, Hogwood a gravé pour son intégrale pas moins de 68 symphonies, dont trois sont présentées en deux versions différentes (Symphonie Paris avec un mouvement lent de rechange, Symphonie Haffner avec retouches, Symphonie n° 40 avec ou sans clarinettes).
À la tête de sa formation anglaise, équilibrée et soignée, loin de toute minauderie et dans une prise de son toujours modèle d’impact, d’aération et de précision, Hogwood livre la quintessence de l’esprit symphonique mozartien, à la recherche d’un équilibre formel, d’une clarté absolue du tissu polyphonique et d’une netteté d’articulation qui font encore merveille trente ans tout juste après la fin des sessions d’enregistrement, échelonnées entre 1978 et 1985.
Plus neutre que les expérimentations génialement contestables d’un Harnoncourt cherchant à faire un sort à chaque phrase, le Mozart d’Hogwood privilégie globalement des proportions classiques, le staccato en vogue jusqu’aux débuts du romantisme et les phrasés habituels sans outrances, mais avec un sens de la respiration, du changement de climat par la couleur, de l’avancée des tempi toujours en éveil. Et pour chaque partition, des effectifs aussi proches que possible de ceux de la création, donc pléthoriques pour Paris (avec ce son typique de contrebasses bien plus nombreuses que les violoncelles, des doublures de basson à la sonorité d’orgue), et beaucoup plus minces en cordes, phénomène extrêmement audible, dans la Symphonie Prague.
On ne cherchera donc pas ici de recréations incroyables, tout en applaudissant la franchise rythmique et le rebond grisant de la Symphonie Linz (un premier mouvement d’une conquérante jubilation) et les lignes de bois touchant au sublime de Prague. Pour ne rien dire des dizaines de primo-symphonies jamais abordées de manière mécanique (la musette du Galimathias Musicum, une Posthorn tempétueuse, une Lanassa pleine d’élan).
Pont aux ânes des chefs d’orchestre, la Symphonie n° 29, sur laquelle ont buté tant de sincères serviteurs mozartiens (de Böhm à Fricsay) est ici parfaitement exécutée, avec des tempi justes et un sentiment d’évidence, qu’on retrouvera dans la Symphonie n° 33, où là comme ailleurs, toutes les reprises sont observées, y compris dans les menuets.
On s’arrêtera plus longuement encore sur la courte et dramatique Symphonie en la mineur KV 16a (la troisième seulement en mode mineur avec les n° 25 et 40) longtemps considérée comme perdue, et retrouvée dans une bibliothèque d’Odense, au Danemark, en 1982. Mais aussi sur toutes les pièces issues d’ouvrages dramatiques arrangées en symphonies, soit les ouvertures de presque tous les opéras d’avant Idoménée.
En jonglant un peu entre les disques, l’écoute chronologique révèle un parcours créatif passionnant et une maturation assez lente chez un Mozart ayant écrit une immense majorité de ses symphonies, à l’inverse de ses concertos pour piano, avant son départ définitif pour Vienne en 1781, date à partir de laquelle il ne produira plus que six pièces du genre. On retrouve d’ailleurs dans ce coffret jusqu’à l’Adagio introductif écrit pour une symphonie de Michael Haydn longtemps cataloguée comme Symphonie n° 37 de Mozart, donnée ici tout de même en intégralité.
Un coffret très précieux, la plus belle somme discographique dévolue aux symphonies de Mozart à ce jour, tant en termes éditoriaux, avec le texte à la fois synthétique et détaillé de Zaslaw et un tableau chronologique d’une parfaite lisibilité, qu’interprétatifs, face à des exécutions sachant laisser parler la musique sans la soumettre à d’inutiles contorsions, condition sine qua non de ce type de démarche exhaustive.
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