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SELECTION CD |
15 janvier 2025 |
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8 déc. : Sibelius historique |
Sibelius, les gravures pionnières
Jean Sibelius (1865-1957)
Historical recordings and rarities
1928-1945
Sir Thomas Beecham, Sir Adrian Boult, Robert Kajanus, Serge Koussevitzky, Georg Schnéevoigt, Jean Sibelius, Budapest String Quartett…
7 CD Warner Classics 0825646053179
Ce 8 décembre marque exactement le cent cinquantenaire de la naissance de Jean Sibelius, sur lequel Altamusica a déjà choisi de se pencher à travers une discographie comparée de la Quatrième Symphonie. Il nous paraissait également important d’honorer le plus éminent compositeur finlandais dans ce calendrier de l’Avent, par le biais de ce petit coffret Warner de rééditions historiques, puisées dans le fonds EMI en balayant la période 1928-1945.
Au début des années 1930, le gouvernement finlandais, soucieux de faire connaître son héros national au-delà de ses frontières, déboursait une somme non négligeable pour faire enregistrer les symphonies de Sibelius via Walter Legge par His Master’s Voice à Londres, conscient que le nouveau média du disque permettait de toucher une large audience de par le monde. Le choix du chef était laissé au compositeur, qui n’a pas hésité une seconde en confiant la tâche à son compatriote Robert Kajanus, son aîné de neuf ans, grand aristocrate de la baguette, fondateur de l’Orchestre philharmonique d’Helsinki et compositeur à ses heures.
Les premières sessions en mai 1930 à Westminster, consacrées aux deux premières symphonies et aux mouvements impairs de la Suite Karelia à la tête de la Royal Philharmonic Society, seront suivies de nouvelles gravures en juin 1932 à Abbey Road avec le London Symphony Orchestra dans la Troisième et la Cinquième Symphonie, complétées par Tapiola, la Fille de Pohjola et la suite du Festin de Belshazzar – une absolue merveille que cette dernière, toujours inégalée au disque quatre-vingt-trois ans plus tard !
Kajanus eût achevé l’intégrale qui s’annonçait si la mort ne l’avait fauché en juillet 1933, à l’âge de 76 ans. Le compositeur sollicita donc son second meilleur choix en la personne de Georg Schnéevoigt, autre grand chef finlandais qui grava en 1934 la Sixième Symphonie. Puis HMV boucla la boucle avec la Septième enregistrée en 1933 à la BBC lors d’un concert de Serge Koussevitzky, et la difficile Quatrième en 1937 avec Sir Thomas Beecham, très apprécié du compositeur, et qui se prit de passion pour sa musique à cette époque. Seule cette Quatrième, déjà gravée en 1932 aux États-Unis dans une version précaire par Leopold Stokowski, n’était pas un premier enregistrement mondial.
Cette somme fondamentale de l’histoire de l’interprétation est augmentée ici des premières gravures de certains poèmes symphoniques et pièces courtes : les Océanides et Chevauchée nocturne et lever de soleil par Adrian Boult à la BBC (fabuleux d’énergie, de rythmicité, de tension), le Barde, En Saga, le Retour de Lemminkaïnen, Finlandia, la Valse triste, des extraits de la Tempête et de Pelléas et Mélisande par Beecham avec le London Philharmonic, et l’Andante festivo avec le compositeur à la baguette (1939), pour ne citer que les plus célèbres.
Ce qui frappe dans ces gravures princeps, loin des recherches sonores tellement accentuées depuis par les possibilités démultipliées de la prise de son alors secondaire et des climats quasi brucknériens, c’est l’urgence avec laquelle la musique de Sibelius est servie, loin de toute matière contemplative ou exploration spectrale qui fascinent tant les chefs de notre époque.
Il n’y a qu’à entendre le brasier qu’ouvre Koussevitzky dans une Septième dantesque, les saillies de cuivres si coupantes de Beecham dans la Quatrième, son énergie toscaninienne dans Lemminkaïnen, le naturel absolu de sa Valse triste, la poésie inégalable de son Barde, les torrents de tension déchaînée de sa Tempête, qu’on ne retrouvera pas au même degré d’incandescence dans ses remakes stéréo absents de ce coffret.
De même, bien qu’à la tête d’orchestres britanniques, toutes ces gravures confèrent une transparence absolue à la pâte sonore, opalescente, pastel et vaporeuse, avec ce givre sur des violons presque droits, ce son nordique quasi émacié qu’on a perdu depuis dans cette musique soit largement occidentalisée soit sujette à des expérimentations aux frontières du silence. Les coups d’archet très courts dans les gravures de Kajanus, portées par des tempi prestes pour les oreilles d’aujourd’hui, le naturel bucolique de sa Troisième Symphonie, le souffle ardent du début de sa Deuxième seront une redécouverte pour beaucoup.
La Sixième de Schnéevoigt, notamment, déroutera probablement les amateurs de Bernstein et Karajan par la fulgurance de sa pulsation, en particulier dans un Scherzo génialement furtif, d’une légèreté de touche, d’un fuyant incomparables. La manière qu’ont les chefs d’alors de faire respirer cette musique, de faire chanter les motifs tant aux bois qu’à des cordes sveltes, finement galbées, vaut d’ailleurs comme seule tradition d’exécution authentique.
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Et la remasterisation ?
En plus des gravures citées plus haut, du Concerto pour violon par Heifetz-Beecham (d’une électricité, d’une tension sur le fil, d’une propulsion parfaites), le dernier CD offre quelques raretés enregistrées à la même époque, et notamment les Voces intimae par le Quatuor de Budapest, d’un lyrisme déchirant, dans une prise de son de 1933 qu’on jugerait de vingt ans postérieure, ainsi que quelques pièces pour violon et piano et mélodies par Marian Anderson chantées en suédois, dans un son crachoteux.
En soi, le retour de tant de merveilles, qui plus est à un prix très avantageux, est à saluer. Restent toutefois deux questions essentielles. La première consacrée à la restauration de ces incunables, pourtant excellemment enregistrés pour l’époque. Ne cachons pas ici que les rééditions des enregistrements Kajanus par Naxos en 2012, serties par le travail remarquable de Mark Obert-Thorn, étaient d’une qualité supérieure, plus claires et diaphanes, donc plus sibéliennes, et paradoxalement plus propres quant aux bruits de surface.
On entendra ici clairement les frottements de fin de face des 78 tours, ainsi qu’un spectre parfois plus étroit, et une sensation de bloc orchestral plus physique, moins dans la démarche nordique qu’Obert-Thorn avait si bien su recréer. Pour autant, ce choix, moins authentique, n’est pas moins valable, même si l’on aurait aimé un mot de l’éditeur, très discret sur le travail de remasterisation, échelonné d’après ce qu’on a compris entre les années 1990 et aujourd’hui, d’après les anciens transferts LP d’Anthony Griffith.
Quoi qu’il en soit, et même si nous conserverons, quitte à doublonner, nos CD Naxos, y compris celui avec la Sixième de Schnéévoigt et la Septième de Koussevitzky, la somme rassemblée ici est incontournable, avec même un son remarquablement propre et aéré, qui ne fait vraiment pas son âge, pour le Concerto pour violon gravé en 1935, renvoyant l’ancienne édition EMI Références au rang d’antiquité. Notre dernière question enfin. Pourquoi, dans un coffret comme celui-ci, essentiellement à l’attention des collectionneurs, avoir fait le choix de n’inclure aucun doublon, les amateurs de vieilles cires étant souvent friands de comparaisons ?
Car si l’on apprécie que Warner ait édité le Luonnotar de Schnéevoigt avec la soprano Helmi Liukkonen, une bande live du 4 juin 1934 au Queen’s Hall pour laquelle le compositeur n’a jamais donné son aval (et qui est sans doute pour cette raison dans un état de conservation bien moindre que la Sixième enregistrée en studio la veille), pourquoi ne pas avoir inclus à ce coffret la Quatrième Symphonie donnée pendant le même concert, pareillement retoquée par Sibelius en raison de l’extrême lenteur de son premier mouvement et de petites scories mais tout à fait fascinante et aujourd’hui introuvable, sinon sur Youtube ? Avec ce petit plus, la fête eût été totale !
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| Yannick MILLON
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