10 déc. : Le Chevalier à la rose à Salzbourg |
Un Strauss de la quantité
Richard Strauss (1864-1949)
Der Rosenkavalier
Krassimira Stoyanova (Die Marschallin)
Günther Groissböck (Der Baron Ochs)
Sophie Koch (Octavian)
Adrian Eröd (Faninal)
Mojca Erdmann (Sophie)
Silvana Dussmann (Marianne)
Rudolf Schasching (Valzacchi)
Wiebke Lehmkuhl (Annina)
Stefan Pop (Ein Sänger)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Franz Welser-Möst
mise en scène : Harry Kupfer
décors : Hans Schavernoch
costumes : Yan Tax
Ă©clairages : JĂĽrgen Hoffmann
vidéos : Thomas Reimer
captation : Brian Large
Enregistrement : Grosses Festspielhaus, Salzbourg, 8-14 août 2014
1 Blu-ray Disc (ou DVD) C major 719404
À l’été 2014, Salzbourg programmait son premier Chevalier à la rose depuis celui de 2004 confié à Robert Carsen, qui avait transposé l’action à l’époque de la création. On attendait d’Harry Kupfer, grand moderniste en son temps, qu’il propose une lecture au moins audacieuse de l’ouvrage.
Au final, on aura vu un excellent Rosenkavalier de facture classique, avec quelques touches de modernité, comme ces fonds de décor offrant plusieurs vues de Vienne en vidéo, ce troisième acte dans une auberge interlope à la scénographie déroutante (la grosse baleine en ferraille trônant au-dessus de l’entrée) ou encore un petit Mohammed plus si petit, bel adolescent indien très amoureux de sa maîtresse.
Le spectacle, filmé de près, révèle beaucoup d’une direction d’acteurs encore efficace, notamment sur le rôle du baron Ochs, ici beaucoup plus méchant que bête, et l’on gagne incontestablement au gros plan, qui n’a comme contrepartie que d’accentuer quelques costumes assez douteux, comme les pantalons en cuir marronnasse ou aubergine d’Octavian.
Les chanteurs paraissent en tout cas beaucoup moins perdus dans l’immensité d’un décor occupant toute la largeur de scène du Grosses Festspielhaus. S’il est en revanche une constante, c’est bien le sentiment qu’on a choisi ici de tirer Richard Strauss nettement plus du côté de Puccini que de Mozart, fatale erreur à notre avis mais qui comporte toujours des adeptes.
L’essentiel provient de la fosse, où Franz Welser-Möst joue les gros bras dans l’accompagnement orchestral, rien moins que dentelé ou diaphane, jouant au contraire des sonorités capiteuses jusqu’à l’étourdissement d’un Philharmonique de Vienne en splendeur, particulièrement flatté par la prise de son mais oubliant trop souvent de modérer la nuance devant les moulinets du chef autrichien, constamment dans un entre-deux, aussi incapable de délivrer des suspensions ténues que de vrais moments d’électricité.
Il vaut à peine de préciser que l’on est très, très loin des miracles que savait accomplir un Carlos Kleiber avec le même orchestre, qu’on écoutera ici pour ses timbres propres, indépendamment de toute dramaturgie. Sur scène, même tentation d’envoyer des décibels et de la projection lourde (qu’on n’entendait paradoxalement guère en salle), qui érode l’Octavian si exemplaire il y a encore quelques années de Sophie Koch, chantant avec toujours plus de verticalité, et des aigus aujourd’hui durcis et blanchis.
Le type d’émission de la Sophie de Mojca Erdmann fera probablement grincer quelques dents, serrée, pincée, piquante au-delà du raisonnable. Infiniment flatté par les micros alors qu’il se débattait pour se faire entendre en direct, l’Ochs cultivé, typiquement autrichien de texte de Günther Groissböck colle parfaitement au personnage voulu par le metteur en scène, jamais grotesque ou ogresque, plus fielleux que basso profundo, ne tentant même pas le do grave en quittant la Maréchale au I. Adrian Eröd est quant à lui un Faninal étroit, clair, guindé, très nouveau riche, et le Chanteur italien franchement mauvais.
La seule qui résiste à cette esthétique de la quantité est la Maréchale de Krassimira Stoyanova, pilier de l’Opéra de Vienne rare à Salzbourg, dispensant allègements vocaux, nuances et aigus piano qui sont un baume dans un tel contexte. Et même si le parlando dans le médium laisse entendre que l’allemand n’est pas sa langue natale, son incarnation reste de loin la plus émouvante du spectacle.
Un Chevalier à la rose pour amateurs de voix déployées, dans un cadre grandiose et avec des sonorités d’orchestre orgiaques, dans lesquelles on pourra se rouler à loisir. Question de goût avant tout !
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