15 déc. :
Les 80 ans du National |
Le National a 80 ans
Orchestre national de France
80 ans de concerts inédits
Beethoven, Berg, Berio, Berlioz, Brahms, Cherubini, Chostakovitch, Debussy, Dutilleux, Dvořák, Haydn, Lalo, Magnard, Mahler, Messiaen, Poulenc, Prokofiev, Ravel, Roussel, Strauss, Stravinski, Thomas, Tchaïkovski, Wagner, Xenakis.
Carl Schuricht, Irma Kolassi, Jascha Horenstein, Cathy Berberian, Charles Dutoit, Isaac Stern, Eugene Ormandy, Désiré-Émile Inghelbrecht, Riccardo Muti, Kurt Masur, Roger Désormière, Yo-Yo Ma, Paul Paray, Manuel Rosenthal, Dietrich-Fischer Dieskau, Yvonne Loriod, Seiji Ozawa, Denise Duval, Pierre Bernac, Sergiu Celibidache, Martha Argerich, Claudio Abbado, Victoria de los Angeles, Paul Kletzki, Marilyn Horne, Leonard Bernstein, Charles Munch, Josef Krips, Lorin Maazel, Christian Ferras, Eugen Jochum, Daniele Gatti, Lukas Foss.
8 CD Harmonia Mundi Ina Radio France FRF020-27
L’année dernière, l’Orchestre national de France, créé en 1934, fêtait son quatre-vingtième anniversaire. Pour l’occasion, l’INA et Radio France publiaient au début de cette année, sous distribution Harmonia Mundi, un très joli coffret de huit CD conçu comme un album souvenir, brassant toutes les époques depuis les débuts de l’orchestre et rendant hommage à ses directeurs musicaux successifs et à ses non moins prestigieux chefs invités.
Chaque CD évoque une des thématiques chères à l’orchestre, des Créations à l’Élargissement du répertoire, des Rencontres au sommet aux Compagnons de route, en passant par la Tradition française, le changement de sigle, De l’ORTF à l’ONF, ou encore le passage au XXIe siècle.
Tout autant que le contenu même des disques, l’épais livret de 177 pages (dont 117 en français) accompagnant cette jolie boîte noire est une mine de trésors quant à la richesse de l’iconographie (photos d’époque des chefs, affiches de concerts), la pertinence des textes retraçant l’histoire de la formation (notamment sur l’absence parfois dramatique de vrais directeurs musicaux sur de longues périodes), jusqu’à ces caricatures des chefs dus au coup de crayon si observateur de Marc Kosloff, violoniste de l’ONF.
Chacun ergotera sans doute, selon ses inclinations personnelles, sur l’absence de documents sonores de géants de la direction ayant travaillé avec le National, mais le choix a été fait de ne pas dépasser huit CD, et de présenter un condensé, un résumé de 80 ans de concerts inédits, pour une formation qui était à l’origine un orchestre de radio, interdit de faire des disques, une clause qui tombera vite. Et même si l’on regrette que pas une plage ne soit consacrée, entre autres, à Pierre Monteux ou à Bruno Walter, ces dix heures de concert disent finalement bien la spécificité de l’orchestre dans la vie symphonique hexagonale.
Si certains de ses directeurs musicaux se sont servis de l’ONF comme marchepied vers une nomination plus prestigieuse à l’étranger, et que la qualité de leur art ne nous a jamais vraiment touché (le Sacre du printemps épais et atone d’un Lorin Maazel très peu inspiré), et si certaines des Rencontres au sommet étaient des moments de concerts sans doute exceptionnels mais qui ne changeront rien à la discographie (le concerto de Tchaïkovski par Ferras-Jochum, exalté, mais où le soliste, parfois plus fébrile que fiévreux, perd sa justesse dans certains traits), ce coffret comporte aussi son lot de pépites.
Pêle-mêle, la création mondiale de la Première Symphonie de Dutilleux par Roger Désormière (1951), document d’extrême importance, dans un son limpide ; la suite de Bacchus et Ariane de Roussel par Munch à Baden-Baden, évidemment transcendante, et assez différente de la version du coffret Munch de chez Auvidis ; un Hymne à la justice de Magnard donné lors du premier concert dans Paris libérée le 28 septembre 1944 par un Manuel Rosenthal survolté, et un orchestre en transe, jouant avec une rage ultime, comme pour crever l’abcès de quatre années d’occupation ; les Sept Haïkaï de Messiaen si finement brossés par Yvonne Loriod et Seiji Ozawa au festival de Besançon, où l’on retrouvera un Fischer-Dieskau d’une pureté expressive absolue dans les Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler avec Carl Schuricht.
Mais aussi le premier concert (1969) du tandem Argerich-Abbado (qui n’en donnera qu’un autre à Paris aussi tard qu’en 2013) dans le Troisième Concerto de Prokofiev ; un très beau Concerto pour violoncelle de Dvořák par Yo-Yo Ma et Charles Dutoit, tout en finesse des lignes et plein de divines suspensions ; enfin une inénarrable ouverture de Raymond d’Ambroise Thomas que Bernstein infligeait à la critique française comme une séance de défouloir orchestral, transcendant une pièce à la base bien faible.
Et si les plages dévolues à Kurt Masur (Première de Chostakovitch) et Daniele Gatti (deuxième suite de Daphnis et Prélude et mort d’Isolde de Tristan) donnent un bon aperçu de leur art à défaut d’interprétations vraiment inoubliables, on aura déjà de quoi repaître notre appétit symphonique devant une suite de l’Oiseau de feu fauviste et d’une folle sensualité par André Cluytens, une abrupte ouverture de Coriolan par Schuricht, ou des extraits aussi exaspérants que géniaux du Roméo et Juliette de Prokofiev par le gourou Celibidache.
Au final, un très bel objet anniversaire dont le prix, tout à fait modéré, est un atout supplémentaire.
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