|
|
SELECTION CD |
15 janvier 2025 |
|
24 déc. :
Intégrale Richter Universal |
Sviatoslav Richter, Complete Decca, Philips & DG Recordings
Sviatoslav Richter, Complete Decca, Philips & DG Recordings
Bach, BartĂłk, Beethoven, Brahms, Britten, Chopin, Chostakovitch, Debussy, Dvořák, Franck, Haydn, Hindemith, Liszt, Moussorgski, Mozart, Prokofiev, Rachmaninov, Schubert, Schumann, Scriabine, Stravinski, Szymanowski, TchaĂŻkovski, Wagner, Weber, Webern, Wolf.
Sviatoslav Richter, piano
51 CD Decca 478 6778
Au terme de ces vingt-cinq sélections étalées sur toute la période de l’Avent, nous tenions à vous présenter pour le soir du réveillon l’une des meilleures affaires de l’année dans la catégorie mise en coffret monographique par les majors du disque, à savoir cette box de 51 CD consacrée à la totalité des enregistrements de Sviatoslav Richter pour Deutsche Grammophon, Decca et Philips, soit les trois labels phare d’Universal Music.
Concernant le pianiste ukrainien, dont on fête le centenaire de la naissance, légende des légendes du clavier du XXe siècle, encore récemment qualifié de « plus grand d’entre tous les pianistes » par les lecteurs du magazine Classica, c’est EMI (devenu depuis Warner) qui avait dégainé en premier avec son coffret ICON de 14 CD paru en 2008, suivi en janvier de cette année par Sony (RCA) avec une Complete Album Collection de 18 CD à prix imbattable.
Et voilà que Decca nous gratifie d’une très belle boîte carrée s’ouvrant par le haut et décorée de photos de l’artiste, avec le seul regret d’un visuel de chaque CD un peu pauvre : une photo du pianiste ne variant que selon le type d’enregistrement, avec un code couleur correspondant au verso : jaune pour les enregistrements solo (34 CD), moutarde pour la musique de chambre (7 CD), orange vif pour les concertos (5 CD), marron pour les Lieder (3 CD) et fuchsia pour les disques bonus dévolus au piano à quatre mains avec Benjamin Britten (2 CD).
On sourira d’ailleurs plus d’une fois devant les approximations et coquilles de la traduction française du texte d’accompagnement du livret, pourtant très intéressant, mais faisant mourir Richter en 1977, quelques lignes avant d’évoquer ses concerts de 1992, et, plus drôle encore, évoquant sa naissance en 1615, accentuant ainsi bien involontairement le caractère propre au Guinness de son art.
C’est donc une somme considérable qui est regroupée ici, dans laquelle il faudra accepter de se plonger de longues heures pour en venir à bout et synthétiser un pianisme à nul autre pareil. Impossible évidemment de tout détailler ici, mais attardons-nous sur quelques jalons importants et d’abord sur le legs concertant, en son temps accueilli avec la fine bouche en raison du prétendu peu de prestige des orchestres accompagnants et de leurs chefs.
Un enregistrement devrait faire tomber cette réserve, celui d’un Troisième Concerto de Beethoven avec Sanderling marmoréen, d’une rigueur absolue, pianiste et chef vraiment à l’unisson dans une recherche de perfection formelle inouïe, ponctuations orchestrales austères, piano immense, sans une once de facilité.
Des qualités de toucher qu’on retrouve dans un Concerto en ré mineur de Mozart d’une insondable tristesse, comme meurtri, rongé de l’intérieur, avec un Orchestre philharmonique de Varsovie faisant le job sans démériter à aucun moment. Quelque part, on est beaucoup moins touché par le Premier Concerto de Tchaïkovski avec Karajan, d’un legato manquant paradoxalement de soutien, comme le pianiste le reconnaissait à la fin de sa vie.
Quant au Cinquième Concerto de Prokofiev, il trône depuis sa sortie tout en haut de la discographie de l’œuvre, tout comme les deux concertos de Liszt abrupts et pugnaces avec Kondrachine et le LSO (présents aussi dans le coffret Mercury commenté le 18 décembre), ainsi que celui plutôt mineur de Britten avec le compositeur à la baguette.
| |
|
Le refus des intégrales
En solo, un trait de personnalité de Richter saute ici aux yeux autant qu’aux oreilles : son peu de goût pour les intégrales, à travers une manière de piocher au hasard de ses envies dans les grands recueils pianistiques. D’où ces cahiers d’études, de préludes, de nocturnes et impromptus atomisés au gré des nécessités du moment, chaque disque étant envisagé comme un programme de concert en miniature. Le récital de Sofia 1958 en est le meilleur exemple, quand, après des Tableaux d’une exposition expéditifs, le pianiste crée une dramaturgie de toutes pièces à travers des morceaux courts de Schubert, Chopin, Liszt et Rachmaninov abordés dans des tempi vertigineux.
Cet art de la caractérisation dans un temps musical restreint a toujours collé à Richter comme une seconde peau, d’où les réussites absolues de ses gravures schumanniennes, que ce soit dans le programme studio de 1956 à Prague (Scènes de la forêt intégrales, extraits des Fantasiestücke), le concert de Copenhague bien connu de 1986 (Nachtstücke) ou encore les sessions enregistrées au Teatro Bibiena de Mantoue (Quatre Fugues, Blumenstück). Des qualités qu’on retrouve dans les pages de Prokofiev (Visions fugitives au sommet, sonates incontournables, dont une Huitième loin du piano-percussion si souvent de rigueur) ou de Scriabine résonnant avec un mystère, un éventail expressif inouïs.
Quant à ses enregistrements Bach hors du temps et de loin de toute contrainte stylistique, égrenés du bout des doigts, ils restent indémodables, tout comme des sonates de Schubert (D 894 en sol majeur tout particulièrement) presque à l’arrêt, immensément contemplatives, d’une lenteur absolue et pourtant jamais contaminées par le moindre signe de fléchissement. Une leçon de musique immense.
Par rapport aux gravures RCA, ombrageuses et à grands coups de contrastes saisissants, les sonates de Beethoven de la maturité ont pris beaucoup de hauteur, parfois jusqu’à une moindre implication rythmique, visant une approche plus décantée, moins immédiate (l’Appassionata, sans une note tapageuse ou pour le pur plaisir physique du son), encore que la folie ne soit jamais loin dans des Variations Diabelli au Concertgebouw d’Amsterdam, le piano terminant dans un état lamentable.
Le souci d’exhaustivité du coffret nous permet à plusieurs reprises de passionnantes comparaisons entre plusieurs interprétations d’une même œuvre, notamment dans les deux premières sonates de Brahms pourtant enregistrées à deux ans d’écart mais dans des conditions sonores très différentes (Mantoue puis Tours). Lorsqu’il n’est pas seul face à son clavier, Richter se lance par ailleurs toujours dans un véritable dialogue avec ses partenaires.
Avec les membres du Quatuor Borodine, l’entente est parfaite dans le Quatuor avec piano n° 2 de Brahms (l’un des ses rares enregistrements que le pianiste trouvait rĂ©ussi), d’une grande simplicitĂ© et d’un bonheur de jouer perceptibles d’emblĂ©e, avec ces atmosphères Europe centrale, ce frĂ©missement du son, ce romantisme si vivant, loin de tout docte exercice. Des qualitĂ©s qu’on retrouve dans le Quintette avec piano de Franck ou celui op. 82 de Dvořák.
Sans-faute également pour les enregistrements de Lieder, tant dans un Winterreise entre expressionnisme et désert de glace avec un Peter Schreier déchaîné en concert à Dresde, que dans la sélection de Schubert ou de Mörike-Lieder de Wolf avec un Fischer-Dieskau à son zénith à la Grange de Meslay.
Quant aux quatre mains avec Britten, échos de séances publiques à la BBC, ils convainquent plus dans une Sonate en ré majeur de Mozart follement enlevée (malgré quelques approximations dans la synchronisation) ou dans En blanc et noir de Debussy que dans une Fantaisie en fa mineur de Schubert au tempo hésitant et aux fluctuations pas toujours limpides.
Vétille au regard d’un ensemble à marquer d’une pierre blanche, témoin constant d’un art pianistique étourdissant d’intelligence, d’analyse et de variété du toucher. Joyeux Noël !
| |
| Yannick MILLON
1er déc. :
Così fan tutte à Salzbourg2 déc. :
Don Giovanni à Salzbourg3 déc. :
Les Originals ont vingt ans4 déc. :
In Memoriam Claudio Abbado5 déc. :
Andris Nelsons à Lucerne6 déc. :
Les Symphonies de Mozart par Hogwood7 déc. :
Chailly dirige la Neuvième de Mahler8 déc. : Sibelius historique9 déc. : Sibelius moderne10 déc. : Le Chevalier à la rose à Salzbourg11 déc. :
L'arc-en-ciel Richard Strauss12 déc. :
Les 90 ans de Pierre Boulez13 déc. :
Les 75 ans de Stephen Kovacevich14 déc. :
Mozart on tour 15 déc. :
Les 80 ans du National16 déc. :
Claude à l'Opéra de Lyon17 déc. :
Fierrabras à Salzbourg18 déc. :
Mercury volume 319 déc. :
Beethoven par le Quatuor Belcea20 déc. :
Ferenc Fricsay, volume 221 déc. :
Paul Dukas et le prix de Rome22 déc. :
Markevitch - ICON23 déc. :
Intégrale Stravinski DG24 déc. :
Intégrale Richter Universal | |
|