4 déc. :
Anthologie Schubert Wilhelm Kempff |
Le poète en son foyer
Schubert - Kempff
Complete Recordings on Deutsche Grammophon
Sonate pour piano n° 1–7, 9, 11, 13–21
Moments musicaux D 780
Impromptus op. 90 & op. 142
Wanderer-Fantasie op. 15
KlavierstĂĽcke D 946
Andante en la majeur D 604
Allegretto en ut mineur D 915
Scherzo en sib majeur D 953 n° 1
13 Variations sur un thème d’Amselm Hüttenbrenner
Wilhelm Kempff, piano
Enregistrements : Beethovensaal, Hanovre, 1965-1970
9 CD Deutsche Grammophon Collectors Edition 479 6187
Il y a quinze ans, Deutsche Grammophon rééditait en coffret de 7 CD les dix-huit sonates de Schubert gravées par Wilhelm Kempff. Le pianiste allemand, né cinq ans avant le XXe siècle et disparu en 1991, a toujours défendu un Schubert pacifié, quitte à émousser certains contrastes, certaines zones d’ombres, certains accès de violence, au bénéfice d’un romantisme introspectif éminemment viennois, attentif comme peu d’autres à un jeu d’une délicatesse absolue, aux aigus cristallins, cantonnement d’un artiste septuagénaire aux sommets de ses moyens dans une esthétique du piano pour le foyer, on ne peut plus éloignée du rituel du concert contemporain.
Sans crispation, avec un toucher souple et chantant, cet art schubertien à fleur de clavier, souvent proche du murmure, appartient à un âge d’or révolu, celui des seigneurs du clavier, des grands accompagnateurs de Lieder, à l’image d’un Gerald Moore, alter ego n’ayant jamais cherché non plus la puissance de l’instrument. Et si d’aucuns ont réinventé depuis la dramaturgie du compositeur (les Brendel, Lupu ou Uchida), l’honnêteté, la sobriété de cette démarche qui laisse parler l’instrument et les états d’âme en clair-obscur du compositeur n’ont d’une certaine manière jamais été égalés.
Un sentiment d’évidence traverse ce corpus augmenté pour cette nouvelle réédition de deux CD dévolus aux pièces courtes, dont les deux cahiers d’Impromptus, les Moments musicaux, les Klavierstücke D 946 et la Wanderer-Fantasie. Un bonheur que de retrouver cet autre versant de la production pianistique schubertienne par Kempff, servie avec le même intimisme, résumé à merveille par l’Impromptu op. 90 n° 3, d’une fluidité constante dans ses arpèges en lévitation, d’un legato royal, d’une candeur émerveillée inoubliable, ou encore par le Klavierstück n° 2, au second passage central d’une insondable mélancolie.
Difficile aussi d’imaginer un premier mouvement de Wanderer-Fantasie moins clinquant, d’un abord rythmique aussi serein, sourd aux furieuses cavalcades prisées par tant de pianistes, au premier rang desquels le toujours génial Sviatoslav Richter. On ne quittera ici jamais le coin du feu propice à tous les épanchements de ce premier romantisme dont Kempff sait traduire comme personne l’ambiguïté et le doux vague à l’âme.
La prise de son, au service du message, qui privilégie la poésie du bout des doigts et le caractère feutré, confère une vraie unité à ces prises toutes réalisées à la Beethovenhaus de Hanovre entre 1965 et 1970, une cohérence dont peu d’intégrales peuvent se targuer. Et si le tempo de certains menuets ou scherzos trahit légèrement leur âge, l’ensemble n’a pas pris une ride, et demeure un trésor du catalogue du label jaune.
| |
|