14 déc. :
Lohengrin Knappertsbusch Munich |
Un Wagner de Kna inédit
Richard Wagner (1813-1883)
Lohengrin
Kurt Böhme (König Heinrich)
Hans Hopf (Lohengrin)
Ingrid Bjoner (Elsa)
Hans Günter Nöcker (Telramund)
Astrid Varnay (Ortrud)
Josef Metternich (Heerrufer)
Chor der Bayerischen Staatsoper
Bayerisches Staatsorchester
direction : Hans Knappertsbusch
Enregistrement : Prinzregententheater, Munich, 09/1963
3 CD Orfeo d’Or Bayerische Staatsoper Live C 900 153 D
Éminent artisan du Nouveau Bayreuth, le spécialiste de Parsifal Hans Knappertsbusch a dirigé son compositeur fétiche pendant les quatorze premiers étés (1951-1964, à l’exception de 1953) de la réouverture du Saint des Saints, où il a servi en fosse tous les opéras donnés sur la Colline, à l’exception de Tristan, Tannhäuser et Lohengrin, ces deux derniers manquant d’ailleurs à sa discographie.
Jusqu’à ce qu’Orfeo, qui puise notamment dans les archives de l’Opéra de Bavière, publie cette année un Lohengrin munichois sous la baguette du vieux chef allemand, donné à la rentrée 1963, en ouverture de ce qui devait être sa dernière saison, qu’il achèverait le 13 août suivant dans un ultime Parsifal de Bayreuth, sa dernière descente dans une fosse d’orchestre avant de s’éteindre en octobre 1965, à l’âge 77 ans.
L’occasion pour nous, qui n’avons pas eu la chance d’entendre ce colosse en direct, de découvrir cet inédit et de se replonger dans cet art que Boulez aimait à qualifier « d’âge d’or des fausses notes ». Ce n’est d’ailleurs pas cette bande de la radio bavaroise qui risque de le contredire, rassemblant tous les errements de la direction d’un chef qui n’aimait pas répéter et préférait le miracle de l’instant en concert, quand bien même les orchestres peinaient à le suivre et multipliaient les scories.
On ne comptera donc pas les accidents, dérapages, attaques foireuses, accords calamiteux et autres décalages, plus nombreux que dans les live de Bayreuth, rarement aussi pollués. Ce 2 septembre 1963, l’Opéra de Munich, dans sa deuxième salle, le Théâtre du Prince régent, sorte de copie de Bayreuth sur la rive gauche de l’Isar qui devait fermer juste après pour trois décennies, reprenait une dernière fois la mise en scène classique et vieille de neuf ans de l’Intendant des lieux Rudolf Hartmann.
La distribution n’avait pourtant rien d’historique, et au premier chef le Lohengrin balourd, poussif et constamment bas de Hans Hopf, chanteur de seconde zone ici sous son plus mauvais jour. Placer Ingrid Bjoner dans la même catégorie serait faire injure à cette dernière, certainement pas la lumière ou la féminité incarnée, mais au moins une bonne musicienne, Elsa au timbre attachant jusque dans ses difficultés.
Basses sonores sinon très imaginatives, le roi Heinrich de Kurt Böhme et son Héraut Josef Metternich s’avèrent à la hauteur, moins marquants toutefois que les deux meilleurs maillons de cette soirée : l’excellent pilier local Hans Günter Nöcker, Telramund puissant et noir façon Neidlinger, et l’Ortrud majuscule d’une Astrid Varnay déchaînée, certes épaissie mais d’une méchanceté inouïe, d’une émission incendiaire, dans ce qui reste peut-être son incarnation la plus diabolique du rôle sinon la mieux chantée.
Au-delà d’un génial couple de vilains, ce témoignage, dans une mono radiophonique correcte, vaut aussi pour la direction de Kna, qui sait comme personne, lorsqu’il tient bien l’orchestre, soulever des montagnes, d’une puissance tellurique dans des scènes de foule empoignées avec une main de fer qui craquellerait la croûte terrestre, véritable raz-de-marée sonore dans ses meilleurs moments, au milieu de plages plus ternes. Mais la seconde moitié du II, qui traîne si souvent en longueur, est ici transfigurée.
Certainement pas un grand Lohengrin dans l’absolu, ce reflet sonore d’une soirée d’opéra aux moments électrisants, avec toutes les réserves d’usage, complète la discographie de l’un des plus fervents wagnériens de l’après-guerre.
| |
|