19 déc. :
Fidelio Ă Salzbourg |
Noir c’est noir
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Fidelio
Adrianne Pieczonka (LĂ©onore)
Jonas Kaufmann (Florestan)
Tomasz Konieczny (Don Pizarro)
Hans-Peter König (Rocco)
Olga Bezsmertna (Marzelline)
Norbert Ernst (Jaquino)
Sebastian Holocek (Don Fernando)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Franz Welser-Möst
mise en scène : Claus Guth
décors & costumes : Christian Schmidt
Ă©clairages : Olaf Freese
préparation des chœurs : Ernst Raffelsberger
captation : Michael Beyer
Enregistrement : Grosses festspielhaus, Salzbourg, 08/2015
1 Blu-ray (ou DVD) Sony Classical 88875193529
Âmes sensibles, conservatrices, qui n’aimez rien tant que la mise en scène du DVD de Fidelio par Bernstein, s’abstenir ! Moment fort d’une année de transition peu exceptionnelle en matière lyrique, ce Fidelio de Salzbourg 2015 s’est attiré les foudres d’une partie du public et de la critique pour les dérives de sa mise en scène. Claus Guth, merveilleux homme de théâtre à qui l’on doit une immortelle trilogie Mozart-Da Ponte, au milieu de spectacles wagnériens tout aussi marquants, a donc suscité l’opprobre de la vieille garde salzbourgeoise pour avoir supprimé les dialogues de l’unique opéra beethovénien.
En salle, ce spectacle contestable mais aux idées fortes avait l’argument massue d’un dispositif scénique écrasant sur le plateau déjà immense du Grosses Festspielhaus, et le contrepoint dramatique constant de jeux d’ombres hypnotiques. Mais si les nécessaires changements de plans pour produire une vidéo rendent justice à la pertinence de la direction d’acteurs, ils ont tendance à anéantir l’impact purement visuel de la mise en scène. Surtout, les bruitages angoissants remplaçant les dialogues (de piètre valeur certes, mais là n’est pas le problème), déjà vite systématiques in loco, perdent ici une grande part de leur potentiel évocateur.
Reste une lecture psychanalytique refusant toute catharsis, toute libération de joie ultime, jusqu’à faire chanter les chœurs du Finale en coulisse, une mauvaise idée quand Franz Welser-Möst, qui brasse beaucoup d’air sans jamais réussir parfaitement sa synchronisation, est en fosse. En revanche, s’il est un point sur lequel cette production fait rêver, c’est sur la présence électrisante des Wiener Philharmoniker, qu’on a envie d’applaudir aussi chaleureusement que le public à la fin d’une Leonore III qui, dramatiquement, n’a jamais rien eu à faire avant la scène finale, mais les montre à leur sommet.
Et pourtant, le geste classique, parfois sénatorial du chef autrichien ennuierait très vite à la tête d’un orchestre de seconde zone. Il porte cependant du mieux que son manque de poigne rythmique le lui permet une distribution qui n’a rien de honteux. Jonas Kaufmann, plus enténébré que jamais, est un Florestan blessé à mort, irréparable et à la détresse poignante, face à une Léonore d’Adrianne Pieczonka chantant souvent bas et aux aigus parfois stridents mais d’un véritable feu intérieur qui bouscule le flegmatique Rocco très haut de stature de Hans-Peter König, timbre parfait de vieux père vénal affichant seulement, en bon wagnérien, des difficultés à suivre dans le débit rapide.
Petit regret, une Marzelline et un Jaquino, rôles pourtant toujours payants, corrects sans plus, face au métal noir du Pizarro de Tomasz Konieczny, vibrato serré et imprécations inquiétantes. Si pour vous la musique compte au moins autant que la scène (a fortiori si cette dernière se permet des libertés impardonnables), tentez l’aventure ! Si les audaces scéniques visant à déplacer l’opéra vers plus de noirceur et de wagnérisme vous branchent, lancez-vous aussi sans hésiter ! Sinon, vous ne pourrez pas dire que vous n’étiez pas prévenu…
| |
|