20 déc. :
La Jacquerie au festival de Montpellier |
Le Palazzetto ressuscite la Jacquerie
Edouard Lalo (1823-1892)
Arthur Coquard (1846-1910)
La Jacquerie
VĂ©ronique Gens (Blanche de Sainte-Croix)
Nora Gubisch (Jeanne)
Charles Castronovo (Robert)
Boris Pinkhasovich (Guillaume)
Jean-SĂ©bastien Bou (Le Comte de Sainte-Croix)
Patrick Bolleire (Le Sénéchal)
Enguerrand de Hys (Le Baron de Savigny)
Chœur de Radio France
préparation : Michel Tranchant
Orchestre philharmonique de Radio France
direction : Patrick Davin
Enregistrement live : Corum, Montpellier, 07/2015
Livre et 2 CD Ediciones Singulares ES 1023
Sortons un peu des sentiers battus, avec la collection Opéra français des Ediciones Singulares, qui publient au CD les productions du Palazzetto Bru Zane, ici en coproduction avec le Festival de Montpellier, devenu Festival de Radio France Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, beau symbole du savoir-faire français en matière de simplification.
Chaque été dans l’Hérault, les forces de Radio France ont à cœur de défendre des opéras souvent célébrés en leur temps et oubliés depuis, une tâche à laquelle s’astreint tout autant le Centre de Musique romantique française installé sur la lagune vénitienne. En 2016, pas moins de trois nouveaux titres sont venus garnir sa collection d’opéras français, qui en compte désormais treize, avec Cinq Mars de Gounod, le Pré-aux-clercs de Thomas et la Jacquerie de Lalo-Coquard.
C’est sur ce dernier que nous allons nous attarder, d’abord car les circonstances dans lesquelles l’ouvrage a vu le jour sont pour le moins atypiques. Après un premier essai lyrique, Fiesque (1866), resté à l’état d’esquisses, et son chef-d’œuvre du genre le Roi d’Ys (1888), Edouard Lalo devait s’intéresser au Moyen Âge des révoltes paysannes à travers cette Jacquerie dont il avait confié l’écriture à Édouard Blau, déjà librettiste de l’opéra précédent, mais aussi du Werther de Massenet.
Reste que le compositeur mourra le 22 avril 1892 avant d’avoir tout à fait terminé le premier acte, et c’est à la demande de sa veuve que son disciple Arthur Coquard achèvera l’ouvrage, créé en 1895 avec un réel succès. Il s’agit donc aux trois quarts d’un opéra de Coquard, qui a su s’approprier à merveille le langage de son maître dans un style pastiche. Il a souvent été dit d’ailleurs que le premier acte était le plus faible des quatre, réduisant encore le pauvre Lalo à la portion congrue.
L’intrigue, basée sur l’amour impossible de Blanche, fille de comte, avec Robert le roturier, qui plus est figure de proue de la révolte des Jacques qui a ensanglanté la noblesse du XIVe siècle, est assez typique du genre du Grand Opéra à la française, avec comme rareté une concision exceptionnelle à une époque où les compositeurs avaient la plume pour le moins bavarde : une heure cinquante à peine, un modèle de resserrement de l’action.
Accompagné de quatre textes fort intéressants, traduits en anglais comme le livret, disponible intégralement en bilingue, ces deux CD passent à une vitesse stupéfiante, grâce essentiellement à la lecture de fervent redécouvreur du chef belge Patrick Davin, qui fait des étincelles à la tête d’un Orchestre philharmonique de Radio France à son meilleur, fin, précis, très musical dans ses solos (le cor anglais, divin), servant une battue dynamique avec un superbe rebond.
Éloquent, le Chœur de Radio France, pas toujours très homogène, souffre surtout d’une intelligibilité limitée, un phénomène qu’on déplorait déjà les Pygmalion dans le DVD de Dardanus, sans grand espoir vu le peu d’intérêt consacré à ce domaine actuellement. Un français artificiel, imprécis ou défaillant parmi la distribution (qui coûte un cœur à la notation finale de ce livre-disque) est l’autre réserve majeure de cette exhumation passionnante.
Sauvons le Comte grand seigneur de Jean-Sébastien Bou, le plus irréprochable du plateau, dont on peut savourer chaque mot les yeux fermés, chaque inflexion de haut rang à même de donner de la sympathie pour un personnage odieux, pour regretter chez tous les autres quelques errements phonétiques.
Au moins a-t-on affaire à d’excellents chanteurs, Véronique Gens très aristo en Blanche de Sainte-Croix, Charles Castronovo séduisant Robert, tenant sa tessiture périlleuse sans jamais crier, Nora Gubisch très présente Jeanne, dramatique comme le souhaitait Lalo, mais ce 12 juillet 2015 bien fatiguée et au vibrato lâche, jusqu’à Boris Pinkhasovich, Guillaume idéal de brutalité paysanne mais aux voyelles trop ouvertes voire carrément fautives (pain prononcé paix, entre autres cocasseries).
On en a mal au cœur pour la chef de chant citée dans la distribution, ce qui ne nous empêchera pas de réécouter très vite cette Jacquerie extrêmement attachante.
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