Uthal d'Étienne-Nicolas Méhul |
Une Écosse de légende
Étienne-Nicolas Méhul (1763-1817)
Uthal, opéra en un acte (1806)
Livret de Jacques-Benjamin-Maximilien Bins de Saint-Victor
Karine Deshayes (Malvina)
Yann Beuron (Uthal)
Jean-SĂ©bastien Bou (Larmor)
SĂ©bastien Droy (Ullin)
Philippe-Nicolas Martin (Chef des bardes / Barde 3)
Reinoud Van Mechelen (Barde 1)
Artavazd Sargysan (Barde 2)
Jacques-Gref Belobo (Barde 4)
Chœur de chambre de Namur
Les Talens lyriques
direction : Christophe Rousset
Enregistrement : Opéra royal, Versailles, mai 2015
Collection Opéra français du Palazzetto Bru Zane
1 livre (140 pages) + 1 CD Ediciones Singulares ES 1026
La collection de livres-disques du Centre de musique romantique française de Venise poursuit sa réhabilitation des opéras du XIXe avec ce quatorzième volume d’une collection déjà riche de pépites. Après des ouvrages oubliés de Kreutzer, Sacchini, Joncières, Catel, Salieri, ou rares de Saint-Saëns, Massenet, Gounod et Lalo, le Palazzetto Bru Zane se penche cette fois sur Étienne-Nicolas Méhul (1763-1817), dont la postérité a surtout retenu les pièces patriotiques – parmi lesquelles le fameux Chant du départ –, mais qui fut également l’un des principaux compositeurs dramatiques de la période révolutionnaire, auteur d’une trentaine d’ouvrages lyriques, parmi lesquels Uthal qui nous intéresse ici.
Suivant la vogue de la fin XVIIIe des poèmes d’Ossian dont raffolait encore la société napoléonienne, l’Opéra Comique commande à Méhul un opéra très ramassé, en un acte, d’une durée d’une heure tout rond, où il pourra évoquer à loisir l’Écosse chevaleresque des guerriers et des bardes. L’ouvrage sera créé le 17 mai 1806, avec un relatif succès. Une intrigue convenue (la jeune Malvina tiraillée entre la loyauté vis-à -vis de son père Larmor et son amour pour Uthal, qui a usurpé le pouvoir du vieux roi) et des dialogues en vers développés avec une certaine emphase, n’empêchent pas l’opéra de rayonner d’une certaine originalité.
D’abord par sa concision, quelques pages particulièrement réussies (l’Hymne au sommeil, le récitatif angoissé de Malvina, le Chant du barde) et son habileté à peindre l’imaginaire des poèmes gaéliques avec le recours sonore étonnant d’une orchestration classique rehaussée par la harpe (bois par deux, quatre cors, timbales), mais aux cordes privées de violons afin de susciter une couleur de légende médiévale que s’approprient superbement les Talens lyriques et la direction dramatique, magnifiquement caractérisée, de Christophe Rousset – une ouverture pleine de climat, tant dans son éveil initial que dans les tensions harmoniques de l’orage.
Et si l’on avait déploré l’année passée le français moyen des chanteurs de la Jacquerie, on monte ici clairement d’un cran, même si les chœurs, excellents, pourraient être plus intelligibles, tout comme une Malvina (somptueuse Karine Deshayes) prononçant un vilain h sur le mot haine, dans le chant comme les dialogues mais d’une authentique grandeur dramatique sur toute la tessiture, dont l’étoffe guette maintenant vers Berlioz. Même classe aristocratique chez le Larmor de Jean-Sébastien Bou, l’école du beau chant français personnifiée, avec un instrument d’une homogénéité impeccable.
Toujours aussi stylé et expert dans la déclamation, l’Uthal de Yann Beuron, dont le ténor légèrement nasal fait merveille, se paie le luxe de conclure sa romance avec un délicieux sol aigu en mixte appuyé. Une équipe musicale de choc pour un ouvrage attachant et typique du goût littéraire de son époque, présenté comme toujours avec le soin des éditions Singulares et des textes passionnants de Gérard Condé, Berlioz, du librettiste Bins de Saint-Victor ainsi que le compte rendu du Journal de Paris sur la création.
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