Fritz Busch Ă Glyndebourne |
La renaissance de Mozart
Fritz Busch in Glyndebourne
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Le Nozze di Figaro (1934-1935)
Willi Domgraf-Fassbaender (Figaro), Audrey Mildmay (Susanna), Roy Henderson (Il Conte), Aulikki Rautawaara (la Contessa), Luise Helletsgruber (Cherubino)
Così fan tutte (1935)
Ina Souez (Fiordiligi), Luise Helletsgruber (Dorabella), Heddle Nash (Ferrando), Willi Domgraf-Fassbaender (Guglielmo), John Brownlee (Don Alfonso), Irene Eisinger (Despina)
Don Giovanni (1936)
John Brownlee (Don Giovanni), Ina Souez (Donna Anna), Luise Helletsgruber (Donna Elvira), Salvatore Baccaloni (Leporello), Koloman von Pataky (Don Ottavio), Audrey Mildmay (Zerlina), Roy Henderson (Masetto), David Franklin (Commendatore)
Così fan tutte (extraits et répétitions) (1950)
Sena Jurinac (Fiordiligi), Blanche Thebom (Dorabella), Richard Lewis (Ferrando), Erich Kunz (Guglielmo), Mario Borriello (Don Alfonso)
Idomeneo (extraits) (1951)
Richard Lewis (Idomeneo), Alexander Young (Idamante), Sena Jurinac (Ilia), Dorothy McNeil (Elettra)
Glynderbourne Festival Orchestra and Chorus
direction : Fritz Busch
Enregistrements : Glyndebourne, 1934-1951
9 CD Warner Classics 0190295801748
1933. Les Nazis arrivés au pouvoir chassent le chef d’orchestre Fritz Busch, 43 ans, qui ne mâche pas ses mots à leur égard, de la direction du Semperoper de Dresde, où avec son compatriote, le metteur en scène Carl Ebert, il avait remis au goût du jour Verdi en Allemagne. Après un début d’exil en Argentine, il se fixe au Danemark, avant de rencontrer par l’entremise de son frère, le violoniste Adolf Busch, le richissime John Christie, propriétaire dans le Sussex d’un vaste manoir doté d’un théâtre où il aimerait faire se produire sa soprano d’épouse. Busch, qui se laisse tenter quand il apprend qu’Ebert est de la partie, suggère une manifestation Mozart plutôt que l’idée initiale saugrenue d’un Bayreuth anglais.
Le projet fou est lancé en 1934 avec les Noces de Figaro et Così fan tutte, augmentés de Don Giovanni, de l’Enlèvement au sérail et de la Flûte enchantée les années suivantes. Enthousiaste face au succès de l’entreprise, une Mozart Opera Society anglaise lance une souscription pour graver dans le sillon du 78 tours, en marge des représentations, les trois Da Ponte, premiers enregistrements complets au disque, dans la langue d’origine, à une époque où à l’exception de Don Giovanni, on ne donnait pratiquement plus les ouvrages italiens de Mozart, à part à Salzbourg où il faudra toutefois attendre Bruno Walter pour que la langue locale soit abandonnée.
De cette formidable aventure dans la campagne anglaise, acte de naissance de l’un des festivals d’été les plus cotés aujourd’hui encore, demeurent ces témoignages sonores gravés sur deux étés (1934 et 1935, avec deux Bartolo différents) pour les Noces, en 1935 pour Così, et en 1936 pour Don Giovanni, avec des équipes assez semblables. Des gravures princeps qui, miraculeusement, n’ont jamais perdu depuis leur statut de références de l’histoire du disque.
Une fraîcheur, une ambiance de troupe, un esprit à nul autre pareil irriguent ces trois gravures où Fritz Busch insuffle à Mozart une infinie jeunesse, une fluidité, une simplicité, un ton d’évidence qu’on ne lui retrouvera pas de si tôt, ainsi qu’un sens du théâtre qui n’a pas pris une ride en quatre-vingts ans, avec des tempi très enlevés et une tenue orchestrale de haut niveau pour l’époque.
Cosmopolitisme militant
Il réussit également à donner de la cohésion à une distribution internationale de quasi inconnus où se côtoient un Australien, une Canadienne, une Tchèque, un Allemand, une Autrichienne, un Hongrois, des Britanniques et une Américaine avec un art d’assortir les voix rarissime dans une manifestation naissante. Cette forme de cosmopolitisme avait bien entendu valeur de symbole face au rétrécissement national de l’Allemagne de Hitler.
Des trois opéras, idéalement captés et remasterisés, dans un son clair, confortable, presque dénué de tout bruit parasite, ce sont peut-être les Noces qui marquent le moins, par l’exclusion des récitatifs qui n’aide pas à la continuité dramatique, par un esprit de comédie presque univoque en ces temps de redécouverte, et où l’épouse de John Christie, Audrey Mildmay, voix en tête d’épingle typique de son temps, très adaptée à Zerlina, manque d’ambiguïté dans les pépiements d’une Susanna très soubrette.
Rien d’indigne bien entendu, n’était la comparaison avec un Don Giovanni d’un feu continu, d’une énergie de course à l’abîme merveilleusement entretenue, tout comme les jeux psychologiques dangereux d’un Così qui tient en haleine pendant deux heures trente sans chute de tension. Deux gravures majeures où les récitatifs, accompagnés par le chef au piano, sont de la même intensité, signe évident de la proximité des représentations scéniques.
Les distributions ont la vertu cardinale de l’homogénéité. On a revu depuis la typologie vocale idéale de certains emplois (le baryton Willi Domgraf-Fassbaender, très naturel en Guglielmo mais pas basse du tout en Figaro dont les aigus n’ont jamais été aussi faciles ; le tout jeune Italo Tajo, qui venait de fêter son vingtième anniversaire, en Bartolo un peu bas mais d’un sillabato hallucinant) et certaines individualités ne marqueront pas l’histoire des rôles (Roy Henderson plutôt pâle en Comte Almaviva, impeccable en Masetto guère plus basse que ne l’était Figaro) mais l’ensemble possède une tenue très enviable.
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