Documentaires Klemperer ARTHAUS |
Les tribulations d’un géant
Otto Klemperer’s Long Journey through his times
Klemperer, The Last Concert
Documentaires de Philo Bregstein
+ Concert du 26 septembre 1971 au Royal Festival Hall
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Le Roi Étienne, ouverture
Concerto pour piano n° 4
Daniel Adni, piano
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie n° 3
New Philharmonia Orchestra
direction : Otto Klemperer
2 DVD + 1 livre trilingue (180 pages) + 2 CD ARTHAUS MUSIK 109289
C’est une véritable exégèse de la légende d’Otto Klemperer (1885-1973) que nous propose ce magnifique coffret ARTHAUS MUSIK regroupant deux DVD avec deux documentaires du producteur néerlandais Philo Bregstein qui a été autorisé à filmer la préparation de ce qui devait s’avérer le tout dernier concert du chef d’orchestre, mais aussi la bande son du concert en question sur deux CD remasterisés par Archiphon. Accompagnés d’un livre regorgeant d’anecdotes, ils éclaireront une figure artistique dont on a surtout retenu l’image d’un très vieux monsieur fortement handicapé dirigeant lentement le grand répertoire symphonique pour EMI.
Le premier documentaire, Otto Klemperer’s Long Journey through his Times (le Long voyage d’Otto Klemperer à travers son temps) (1h39), retrace la vie très longue (88 ans) du maestro depuis l’enfance, et tout particulièrement ses jeunes années de chef lyrique, à l’aide d’une riche galerie de photographies d’époque et de coupures de presse accompagnées par une narration sonore où intervient le plus souvent le principal intéressé au soir de sa vie. Ses débuts à Prague, à Hambourg, la dépression à la mort de Mahler qu’il avait côtoyé de près, l’année sabbatique qui suit, passée à ingérer des partitions, le court mandat à l’Opéra de Strasbourg alors en zone allemande, les discussions théologiques avec Freud, le mariage avec la soprano Johanna Geisler, son passage triomphal à Cologne puis à Wiesbaden sont remis dans le contexte très riche de la vie culturelle du début du siècle.
Mais le film insiste surtout sur l’engagement progressiste de cet israélite converti au catholicisme dans la République de Weimar, ses concerts dans la Russie soviétique où « il y avait des Juifs au gouvernement, alors qu’en Allemagne, on cherchait à leur imputer la responsabilité de la défaite de 1918 », et le choc de la découverte du travail de Stanislavski. Par extension, le goût importé en Allemagne pour une approche scénique d’avant-garde avec le concours du décorateur Ewald Dülberg pendant quatre années fastes à la tête du Kroll Oper de Berlin (1927-1931), où un Siegfried Wagner médusé devait assister à un Vaisseau fantôme largement « bolchévisé ». Une période de modernisme à laquelle les Nazis pas encore au pouvoir s’efforceront de mettre un terme dès que possible.
Vient alors l’exil malheureux aux États-Unis et l’opération d’une tumeur au cerveau qui laissera le chef quinquagénaire partiellement hémiplégique, première épreuve d’une longue série qui ne cessera d’épuiser les forces de ce colosse de presque deux mètres, alternant depuis l’adolescence phases maniaco-dépressives et périodes euphoriques. L’après-guerre n’est pas oublié, avec les années à l’Opéra de Budapest, le refus de se réinstaller en Allemagne où « les mains que l’on serre ont peut-être envoyé cinquante Juifs à la chambre à gaz », les nombreuses invitations au Concertgebouw d’Amsterdam, puis le fameux été indien du maestro, recruté par le producteur Walter Legge au Philharmonia Orchestra, partie de l’histoire nettement plus connue.
Le second documentaire (1h12), The last Concert, qui reprend en son premier quart d’heure beaucoup d’éléments du premier, s’attarde sur les derniers moments du vieux roc au pupitre, à l’âge de 86 ans, dans un programme Beethoven-Brahms dont on voit des extraits de répétitions avec incrustation de partitions à l’écran, ainsi que le premier mouvement de la Troisième de Brahms filmé depuis une loge latérale du Royal Festival Hall ce fameux 26 septembre 1971. Un concert que l’on retrouve en intégralité sur deux CD bonus où malgré les atteintes de l’âge et un tempo très large, la poigne, la tenue, la grandeur de la Troisième sont quasi intactes. Une fantastique plongée dans l’art et l’histoire de l’un des plus importants maestros du XXe siècle.
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