Intégrale Keilberth Telefunken |
Romantisme terrien
Joseph Keilberth
The Telefunken Recordings (1953-1963)
Beethoven, Brahms, Bruckner, Dvorak, Grieg, Haydn, Hindemith, Mendelssohn, Mozart, Schubert, Schumann, Smetana, J. Strauss II, R. Strauss, Reger, Wagner, Weber
Bamberger Symphoniker
Philharmonisches Staatsorchester Hamburg
Berliner Philharmoniker
direction : Joseph Keilberth
Enregistrements : Bamberg, Hambourg, Berlin, 1951-1963
Coffret de 22 CD Warner Classics ICON 0190295689261
Pilier du Nouveau Bayreuth où il dirigera pratiquement tout le répertoire entre 1952 et 1956, Joseph Keilberth devait disparaître à peine sexagénaire dans des circonstances romanesques, frappé d’une crise cardiaque en plein duo d’amour de Tristan le 20 juillet 1968 dans la fosse de l’Opéra de Munich. Un avatar qu’on retient souvent davantage que sa carrière ou son héritage discographique loin des projecteurs du star system.
La collection ICON de Warner, qui détient les droits de Teldec, se devait donc, pour le cinquantième anniversaire de sa mort, de rééditer la totalité de ses enregistrements studio pour le label Telefunken, publiés sur une décennie entre 1953 et 1963. Ces 22 CD agencés grosso modo par ordre chronologique de compositeur ne facilitent pas un sentiment d’homogénéité par le mélange de sessions entre trois orchestres : les Bamberger Symphoniker le plus souvent, le Philharmonisches Staatsorchester Hamburg et les Berliner Philharmoniker le reste du temps.
Un principe éditorial toutefois nécessaire car les deux grandes intégrales du coffret sont bel et bien partagées entre les trois formations, tant pour Beethoven (où ne manque qu’une Neuvième) que pour Brahms. L’occasion de redécouvrir les lignes de force du maestro face aux micros, toujours adepte d’une image sonore trapue et d’une bonne articulation du jeu de cordes validant chaque choix de tempo. Dans ces Beethoven terriens, on retiendra une Pastorale merveilleusement bucolique, respirant avec naturel et rusticité (Bamberg), une Cinquième bien compacte (Hambourg), et une Septième faisant concurrence à Fricsay (avec les mêmes Berliner, et un Allegretto parfait).
Dans le grand répertoire XIXe, la seule symphonie Le Printemps fait regretter d’autres Schumann, et prélude à de magnifiques Brahms, romantiques et fiévreux : une Quatrième qui sait se souvenir de la passion que pouvait y mettre, en décuplé, un Furtwängler, une Deuxième chaleureuse, une Troisième nerveuse, aux phrasés courts (avec sans doute aussi quelques retouches d’orchestration), ainsi qu’une Ouverture Tragique d’un seul élan.
Grande redécouverte d’un art très immédiat, qu’on retrouve dans deux Bruckner guère mystiques : une Neuvième à Hambourg dont les cuivres incandescents avaient déjà transcendé la Huitième mono de Jochum (1949, DG), ainsi qu’une roborative Sixième à la tête des Berliner, dont les trompettes caracolent avec une franchise grisante. Le même orchestre de Karajan livre également un Till l’espiègle effronté comme rarement, bien plus décomplexé qu’avec le chef autrichien, tout en pied-de-nez et en timbres pointus.
On n’oubliera pas non plus une Nouveau monde et des Danses slaves de Dvořák bĂ©nĂ©ficiant du tropisme tchèque des Bamberger, anciens exilĂ©s rapatriĂ©s en Haute-Franconie, ou une anthologie de symphonies de Mozart (28, 30, 35-41, toutes avec Bamberg) parmi les sommets du coffret, impeccablement exĂ©cutĂ©es, Ă©quilibrĂ©es, naturelles, chantantes, rapides pour leur temps, et qui ont finalement moins vieilli que celles, contemporaines, d’un Karl Böhm.
Dernier détail important concernant cette fois la technique. Si toutes les bandes restent très audibles, jamais parasitées par des bruits de surface, la qualité de restitution sonore demeure extrêmement variable d’une œuvre à l’autre, et notamment pour toutes les premières au CD, pourtant confiées aux bons soins du studio Art & Son, trop filtrées, amputées de tout le spectre aigu, et de fait relativement rêches.
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