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SELECTION CD |
05 février 2025 |
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Le retour d’Edith Farnadi
The Art of Edith Farnadi
Enregistrements : 1946-1961
21 CD Scribendum Argento SC840
Depuis sa mort d’un cancer en 1973, à l’âge de 52 ans, le legs d’Edith Farnadi est tombé dans l’oubli, hormis pour quelques discophiles fascinés par l’art de cette pianiste née à Budapest et installée à Vienne après-guerre. Scribendum a tenté de réunir un maximum d’enregistrements dans ce coffret monographique de 21 CD reprenant les trois quarts de ce que l’artiste a laissé devant les micros – pour Westminster essentiellement, mais aussi Vega, HMV ou Ducretet Thomson.
Farnadi, c’est avant tout un tempérament de feu doublé d’une force de frappe imparable, d’un staccato absolument diabolique, mais aussi d’aigus magnifiquement perlés et cristallins dans un répertoire qui n’en est jamais avare. Le label britannique consacre ici grosso modo 14 CD à la pianiste en solo, dans son cœur de répertoire : la musique hongroise. Bartók d’abord, avec qui elle prit quelques cours avant de devenir son assistante jusqu’à l’émigration du compositeur aux États-Unis. On retrouve les deux cahiers de Pour les enfants et les six volumes des Mikrokosmos, les Neuf petites pièces, Trois burlesques, la Suite pour piano, deux gravures (1946 et 1955) de l’Allegro barbaro et Six danses populaires roumaines qui sont l’évidence même.
Liszt ensuite, avec l’intégrale des Années de pèlerinage, d’une puissance évocatrice rare – les gouttelettes d’Au bord d’une source devenant déluges dans l’Orage ; la résonance des Cloches de Genève, sans oublier le triptyque de La Villa d’Este, d’une pyrotechnie jamais abstraite –, des paraphrases, les dix-neuf Rhapsodies hongroises, irrésistibles, les Soirées de Vienne, la Méphisto-Valse, les Consolations et Rêves d’amour, Trois études de concert et les Grandes études de Paganini. Ainsi que les deux Ballades, la Rhapsodie espagnole, la Valse-Impromptu, la Ronde des lutins et les deux Légendes, au souffle conquérant ; enfin une Sonate en si à la fugue vertigineuse.
En regard de quelques valses et mazurkas de Chopin un peu déstabilisantes, 3 CD de musique de chambre montrent Farnadi en accord parfait avec le violoniste Gerhard Taschner, ancien violon solo de Furtwängler à Berlin pendant la guerre, dont le caractère irascible semble n’avoir perturbé en rien la pianiste dans leurs gravures de sonates – Beethoven 3 et 5, Grieg 2 et 3, Schoeck, Ravel, ainsi que la Sonatine de Dvořák.
Enfin, on trouve matière à réjouissance dans un peu plus de 4 CD de concertos : avec un Hermann Scherchen con fuoco dans les deux Liszt, les deux premiers Tchaïkovski, un Deuxième de Rachmaninov épais, mais aussi contrôlé que sa soliste dans Bartók (2 et 3) ; et avec un Adrian Boult tantôt chambriste tantôt furieux dans les deux Liszt à Vienne, mais surtout très taquin à Londres dans la Fantaisie hongroise, la Wanderer-Fantaisie avec orchestre, et la Danse macabre la plus drôle et méchante qui soit, véritable complot entre un Méphisto british et une sorcière magyare.
La plupart des bandes datant du milieu des années 1950, le son est tout à fait décent même si une restauration aurait pu être envisagée vu le prix du coffret – les Années de pèlerinage, dans une belle stéréo de 1960, semblent repiquées à même un 33 tours. On regrette juste l’ajout de blancs systématiques qui fragmentent l’écoute entre les différents numéros des cahiers de miniatures de Bartók, quelques bruits semblables à de la mécanique de pédale ici ou là , et un filtrage un peu abusif de certaines faces. Mais rien qui puisse vraiment ternir cette redécouverte d’une artiste aux moyens techniques non moins substantiels que sa trempe musicale.
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Colin Davis Ă Amsterdam
Colin Davis
The Concertgebouw Legacy
Enregistrements : Grote Zaal, Concertgebouw, Amsterdam, 1974-1986
18 CD Decca Eloquence 4848 5277
Onze ans déjà que s’éteignait Sir Colin Davis, chef de peu de mots, courtois, détendu et maniant l’humour comme tant de Britanniques. Eloquence a regroupé son legs de studio pour Philips à Amsterdam (18 CD, 1974-1986), débuté par le Concerto pour violon de Beethoven (Grumiaux) et la deuxième Symphonie fantastique du maestro, plus aboutie que la première avec le LSO (1963). Deux enregistrements typiques, choyant les textures cossues et une tempérance qui ne donne que plus d’éclat aux moments d’exaltation – la montée en puissance du Songe d’une nuit de Sabbat.
À l’âge d’or du disque, le label néerlandais lui fit graver les trois grands ballets de Stravinski : un Sacre du printemps un peu épais, un Oiseau de feu aux magnifiques textures, un Petrouchka chatoyant, tous trois ramenés à la musique pure. Les Tableaux d’une exposition, qui refusent tout clinquant, avec un niveau de gravure très bas qui anesthésie un peu le brillant de l’orchestration, sont complétés par une Nuit sur le mont Chauve magnifiquement tenue, rimskienne en diable.
Signalons aussi l’anthologie Dvořák : trois dernières symphonies – la Septième est particulièrement chauffée à blanc –, Concerto pour violon (Accardo), Concerto pour violoncelle (Schiff). Mais on se plongera avant tout dans ce coffret pour l’un des miracles de l’histoire du disque : l’anthologie de 19 symphonies tardives de Haydn, merveille de caractérisation, d’esprit et d’humour, avec un orchestre amstellodamois en état de grâce, et dans une prise de son qui est la chaleur même – le pendant en somme des symphonies de Mozart par Josef Krips.
Cette intégrale des Symphonies londoniennes (93-104), augmentée de quatre des six Symphonies parisiennes (82, 83, 86, 87) et des n° 88, 91, 92 est d’une lumière radieuse, d’un classicisme quintessencié indémodable. On pourra d’ailleurs regretter que Davis, très conservateur, ait coupé court à un projet plus large en s’éloignant à partir de 1986 de l’orchestre, qui cherchait à renouveler son style classique auprès d’Harnoncourt.
Le texte de présentation de Nick Nelissen dément la légende selon laquelle une Symphonie n° 84 aurait été enregistrée mais jamais publiée. En guise de consolation, Eloquence propose pour la première fois au CD ladite symphonie gravée par Davis et l’English Chamber Orchestra pour L’Oiseau lyre en 1962. Notons enfin que la Symphonie n° 86 batave est elle aussi proposée pour la première fois au CD.
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| Yannick MILLON
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